Oh mon Dieu! Oh Mon Dieu! Bon Dieu! J’enrage que nous les femmes, marginalisées en particulier, ayons à faire face à ce genre de conneries venant de la part D’AUTRES FEMMES en 2018.
Et pas n’importe quelles femmes. Des femmes blanches. Des femmes de renom. Des femmes d’un certain âge, dirons-nous. Le même genre de femmes qui ont voté pour mettre à la tête des Etats-Unis un président ‘qui attrape les femmes par la chatte’, bien que ces femmes en question soient françaises et se considèrent comme étant libérales et éduquées.
Résumons : 99 connasses en plus de Catherine Deneuve ont signé une lettre ouverte dans le journal Le Monde pour dénoncer ‘une chasse aux sorcières’ qui a suivi la déferlante de l’affaire Weinstein. Elles défendent les pauvres hommes sans défense persécutés pour avoir poliment dragué des femmes pas intéressées. Elles veulent que tout le monde comprennent que la liberté sexuelle nécessite qu’un homme puisse ‘importuner’ en faisant des avances grossières, que les féministes derrière les hashtag #MeToo et #BalanceTonPorc ont une haine du sexe et des hommes et sont des puritaines choquées pour un rien.
Elles se sont même moquées des suédois pour avoir proposé une loi qui requiert un consentement explicite entre les partenaires, allant jusqu’à inclure une application pour lister les pratiques qu’ils veulent ou qu’ils refusent sur le plan sexuel. (D’ailleurs, si ces personnes séniles y connaissaient quoique ce soit en matière de sexting, elles sauraient que discuter de nos préférences sexuelles est excitant comme préliminaire.)
Pourquoi pas commencer par aborder la question de l’âge? Deneuve a 74 ans et d’autres grands noms ayant signé cette tribune ont la soixantaine ou plus de 70 ans. Je salue les femmes de cette génération qui ont dû faire face au harcèlement sexuel sans avoir les mots pour le décrire et ayant d’autant moins des moyens de recours.
Ces femmes doivent voir celles qui sont plus jeunes comme fragiles, se sentant facilement attaquées, passant leur temps à pleurnicher sur des choses qu’elles-mêmes supportent sans se plaindre. Lors de la plupart de mes expériences #MeToo, je ne me rendais même pas compte que je subissais des agressions sexuelles. J’ai accepté le statu quo d’hommes de pouvoir plus âgés qui s’amusaient à attraper les fesses de femmes impuissantes et plus jeunes, puis j’ai appris à les repousser. Maintenant, je suis plus aguerrie. L’intérêt de progresser n’est-il pas d’éviter à nos enfants et aux enfants de nos enfants de subir les mêmes ignominies que nous? Ou allons-nous rester égoïste et sans compassion à dire: « Fais avec, ma petite ! J’ai bien survécu à ça donc toi aussi tu peux. » Est-ce qu’on ne pourrait pas faire mieux?
Le pouvoir et le privilège transpirent tellement dans cette lettre ouverte que ça en est grotesque. Ces femmes installées veulent que des femmes privées de parole refusent d’être des victimes. Revendiquez votre pouvoir! Contraindre les hommes à garder leurs putains de mains et leurs queues pour eux—en utilisant la loi ou des tweets piqués de colère—signifie que vous êtes une femme bien faible. Et si un homme frottant son pénis contre vous dans le métro commettait un délit? Et si votre patron racontait ses positions sexuelles préférées au cours d’un dîner professionnel? Cela ne devrait pas gâcher votre journée, ou votre repas et encore moins vous traumatiser; ce n’est que votre corps qui est atteint après tout et pas votre liberté, qui ‘est intérieure et inviolable’.
J’aimerais vraiment savoir à quand remonte la dernière fois où Catherine Deneuve s’est retrouvée dans le métro et qu’un homme répugnant a sorti sa queue sans crier gare devant elle. Ou si elle s’est déjà sentie persécutée par un producteur malveillant sur le plateau de tournage d’un film comme ce fut le cas de Salma Hayek. Catherine Deneuve est l’une des plus grandes stars du cinéma français depuis une cinquantaine d’années. Sa liberté de femme blonde, qu’elle soit sexuelle ou autre, est sans aucun doute sacrée.
J’en veux pour preuve une anecdote tout droit sortie des archives de la famille Buñuel. Dans le film Belle de jour, il y a cette scène où Séverine, le personnage incarné par Catherine, est attachée et à qui on jette de la boue. Or, personne n’a osé balancer de la gadoue à l’immaculée Deneuve. C’est le père de mon mari, le fils de Luis Buñuel, qui a finalement dû prendre les choses en main et le faire. Alors parlons-en du pouvoir et de qui le détient.
Ce que Deneuve et consorts n’arrivent pas à reconnaître, c’est, premièrement, qu’elles sont privilégiées de par leur richesse, leur blanchité, leur beauté, leur célébrité, leur position et deuxièmement, que ne pas avoir de pouvoir ne veut pas dire être faible.
Dans le contexte du patriarcat blanc, je n’ai jamais eu de pouvoir, étant une femme non-blanche ayant immigré deux fois, qui a grandi dans la pauvreté, mais je n’ai jamais été faible. Grâce à l’éducation, à la beauté, à l’âge et à quelques autres facteurs, j’ai légèrement plus de pouvoir maintenant mais ça n’est rien comparé à mon beau, grand et riche mari blanc connu pour être issu du monde du cinéma. A côté de quelqu’un comme Deneuve? Elle et moi pourrions bien venir d’une toute autre espèce. Reste que tout le monde vous dira à quel point je suis forte et que je n’ai pas froid aux yeux. Le mot ‘faible’ ne me décrit ni moi ni les millions de femmes qui sont ou ont été victimes de harcèlement sexuel, d’agression sexuelle ou de viol et qui sont assez courageuses pour s’exprimer.
Ce qui m’amène à la question raciale. Quelqu’un sur notre Facebook m’a demandé pourquoi est-ce que j’évoquais la couleur de peau alors que TOUTES les femmes avaient subi les lubies d’hommes. #OuiTouteslesFemmes mais il est évident que les femmes les plus vulnérables sont les femmes non-blanches, de la communauté LGBTQ, handicapées, pauvres, sans papiers. Ce que ces propos de françaises inconscientes permettent, ce n’est pas qu’un Lothario drague de façon maladroite une vieille bourgeoise à l’hôtel de Crillon mais c’est de perpétuer l’éternel assujettissement des défavorisées, comme une employée d’hôtel qui n’a pas les moyens de perdre son travail en refusant la proposition indécente d’un client aisé. Ou une actrice mexicaine qui doit accepter une scène de nu sous peine de se faire virer du tournage d’un film.
Quelque chose d’indéniablement français (mais pas seulement), c’est le fait de ne pas comprendre que le harcèlement et les agressions sexuels n’ont rien à voir avec le sexe mais sont une question de pouvoir. La séduction ne doit pas être contrainte mais consensuelle. La séduction, ce n’est pas du harcèlement sexuel et nous, féministes, savons bien faire la différence. C’est également facile, idiot et réducteur de décrire les féministes comme étant des femmes frigides qui détestent les hommes. On est dans les années 80 ou quoi? Les vieilles françaises blanches adorent parler de 1968, des droits des femmes et de la libération sexuelle mais elles sont complètement larguées quand il s’agit d’aborder l’intersection entre la race, le sexe, l’égalité et le pouvoir au XXIème siècle.
Et c’est sur ce point que la France mérite quelques critiques. Pour un pays qui célèbre sa liberté et son égalité (je ne m’attaquerai pas à la fraternité), il existe un rapport binaire dépassé entre les hommes et les femmes. La masculinité et la féminité répondent à des standards tellement restreints, l’accent mis sur les couples cisgenres étant si prononcé, qu’il n’est pas surprenant que des françaises qui ont vieilli loin d’autres concepts veuillent s’assurer que des féministes virulentes ne puissent jamais empêcher des hommes de les draguer.
Parce que c’est ce qui semble être la principale préoccupation dans la lettre: que les hommes se sentent suffisamment en sécurité pour ‘importuner’ les femmes. Je n’arrive pas à croire que je sois vraiment en train d’écrire ça. Et si on faisait en sorte que les filles et les femmes se sentent suffisamment en sécurité pour échapper aux importuns pour commencer? Pendant que ces anti #MeToo se remémorent le bon vieux temps, celui où les hommes étaient des pédophiles-violeurs et étaient même mis à l’honneur à la Cinémathèque (oh attendez, ça, c’était il y a deux mois), je me souviens de moi à l’époque où j’étais une étudiante à Paris, âgée de 19 ans et que j’ai décidé d’abandonner les mini-jupes parce que le harcèlement constant que je subissais n’en valait pas la peine. Où était ma liberté sexuelle à ce moment-là? A moins que cette liberté ne concerne pas les jeunes femmes asiatiques en France? J’étais rarement confrontée à ce genre de regard libidineux dans l’Amérique ‘puritaine’, peu importe ce que je portais ou non.
On m’identifie en France comme une féministe «militante»—bien que je corresponde à peine aux standards de mes amies activistes américaines—et, incroyable, j’adore le sexe (quand c’est bon) et les hommes (quand ils sont bien). Une des choses les plus excitantes qu’un homme a fait? Me demander si je voulais bien qu’il enlève mon pantalon plutôt que de supposer qu’il pouvait tout bonnement le faire. Comme cette liste suédoise de pratiques sexuelles consenties décriée.
Je suppose que pour Catherine et son équipe, ce n’est pas de cette façon qu’un ‘vrai homme’ séduit car ‘la pulsion sexuelle est sauvage’. En opposant la féminité au féminisme tout en confondant séduction et harcèlement sexuel (car, oui, c’est ce qu’ELLES font et non pas nous les féministes), ces femmes n’entravent pas seulement au progrès; elles rendent le monde plus dangereux pour leurs sœurs moins riches, moins blanches et moins privilégiées. C’est impardonnable.
J’accuse, espèce de complices, de traîtresses.
Etrangement, ou pas, le mot « importuning » en anglais signifie également offrir une prestation sexuelle de prostituée.
Traduit par Adiaratou Diarrassouba.To read the original text in English, click here.
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